Photographier en plongée - La composition des photos
Nous savons maintenant quel matériel acheter, comment se comporte la lumière sous l'eau, comment régler notre appareil, mais... tout reste à faire !
Une photo, ce n'est pas que de la technique, c'est aussi de la création. Qu'il s'agisse de photos d'art, de mode, de paysage, de famille, ou encore comme ici de photos de plongée, l'objectif est de réussir à capturer une image qui permettra de communiquer nos émotions face à une situation. Et peu importe qu'il s'agisse d'une visite aux chutes du Niagara, de l'anniversaire de tante Héloïse ou de la rencontre avec un requin marteau, les principes sont exactement les mêmes.
Il existe une multitude de sites qui expliquent comment cadrer les photos, comment mettre en valeur le sujet principal, comment attirer le regard sur un point particulier de l'image. Sans entrer dans trop de détails, je vais simplement montrer comment ces règles s'appliquent aux photos de plongée, en commençant par un exemple.
J'ai rassemblé ci-dessous quatre photos d'une même espèce, le tétrodon masqué (Arothron diadematus), très courant en mer Rouge. Ces quatre photos, prises au cours de voyages différents, sont toutes techniquement correctes, mais elles présentent un intérêt très différent. Selon moi, plus on va vers la droite, meilleur est le cliché.
Plutôt que de mitrailler à tout va, mieux vaut attendre l'instant propice pour déclencher une photo bien cadrée. Ceci étant, si je croise une espèce rare, même mal placée, mal cadrée... je prendrai ma photo car de nombreuses règles comportent des exceptions !
Dans la suite de cette page, je vais insister sur le cadrage, la position du plongeur par rapport au sujet, et la recherche d'un fond qui mette le sujet en valeur.
Alors là, facile ! Si je prends un animal en photo, il faut que tout soit dans le cadre, sans couper ni la tête
ni la queue. Le plus simple, c'est de le mettre au milieu !
Je suis d'accord avec toi, que ce soit un poisson, un ver ou une grande gorgone, c'est bien de l'avoir en entier. Mais c'est parfois aussi
intéressant de zoomer sur une partie du corps, l'oeil, la tête, une patte, que sais-je ?
Et je ne voudrais pas être rabat-joie, mais
mettre le sujet au milieu de l'image n'est généralement pas une bonne idée.
La "règle des tiers" est une des bases de la composition des images, qu'il s'agisse de peinture, de dessin ou de photographie. Je n'entrerai pas dans les détails qui justifient cette règle, comme l'équilibre de l'image, la perception de l'oeil, etc... De nombreux sites expliquent très bien cette règle avec de nombreuses illustrations, je me contenterai donc d'exposer cette règle et d'en montrer quelques applications en plongée.
L'oeil balaye instinctivement une image de gauche à droite et de haut en bas. La règle des tiers divise l'image en trois parties égales, verticalement et horizontalement en projetant sur elle une grille imaginaire. On renforce la composition en plaçant les éléments importants de l'image sur ces lignes ou à leurs intersections : ce sont les points forts de l'image.
En plaçant le centre d'intérêt sur le côté, on facilite la lecture de l'image. Cette lecture est encore plus aisée si le sujet principal est placé à gauche, car nous sommes habitués à lire de gauche à droite (dans les cultures occidentales).
Dans le schéma ci-contre, le poisson placé à l'intersection supérieure gauche des lignes est l'élément dominant. Le plongeur est aligné la ligne forte verticale de droite, alors que la gorgone occupe la partie basse et gauche de l'image.
Les photos ci-dessous sont des recadrages de clichés, qui illustrent ce qu'apporte la règle des tiers.
Lorsque le sujet se déplace, comme un poisson ou un nudibranche, il est important de tenir compte du sens de son déplacement pour cadrer la photo. En règle générale, on laissera de la place devant le sujet pour accentuer l'impression de mouvement. De même, si l'on voit ses yeux, on laissera de la place dans la direction de son regard. Ces deux petits trucs tout simples donneront de la vie à vos photos.
Enfin, il faut savoir que le cadrage est de très loin la chose la plus facile à retoucher, à condition que la photo ne soit pas trop serrée sur le sujet principal. Un dernier conseil donc : si vous ne parvenez pas à obtenir le cadrage idéal directement, et c'est fréquent en plongée (courant, mouvements du sujet, stabilisation imparfaite, etc...), élargissez un peu le champ de la prise de vue. Une photo prise avec 8, 10, voire 15 millions de pixels se prête très bien à un recadrage a posteriori.
Il est très facile de reconnaître les clichés d'un photographe débutant : le plus souvent, ses photos montrent un poisson qui s'enfuit et dont on voit surtout le dos, car le plongeur se situait au-dessus de son sujet. Et, comme la plupart des novices, il déclenche son appareil à tout instant, pour emmagasiner le maximum de photos.
C'est tout à fait normal ! Tout à la joie d'emporter son appareil tout neuf dans les profondeurs, le débutant va essayer de ramener un maximum de souvenirs, sans trop se préoccuper de leur qualité car il est forcément moins exigeant. De plus, sa technique imparfaite (ou dans le cas de plongeurs chevronnés la gêne causée par cet équipement supplémentaire) va rendre son approche peu discrète, il va déranger la faune et la faire fuir. Mais cela n'a qu'un temps, et un peu de pratique permet de progresser très vite.
Ouais, d'accord ! Mais moi, ça m'agace. Les poissons bougent tout le temps, et si j'essaie de me mettre devant eux, ils tournent !
Il n'y a pas que les poissons qui sont intéressants ! Pourquoi ne pas essayer de te perfectionner en prenant des photos
d'animaux qui bougent moins, il y en a plein ! On peut faire des photos superbes avec des éponges, des étoiles de mer ou des bénitiers ! Les
coraux et les nudibranches (tu sais, les petites limaces de toutes les couleurs) font des photos superbes ! Cela te permettra de peaufiner
tes réglages, l'orientation de ton flash et ensuite, quand tu t'intéressera à un poisson, tu verras que tout sera bien plus facile ! J'ai
rassemblé quelques exemples pour toi !
Le photographe sous-marin évolue dans un monde 3D. Il peut se placer non seulement devant, derrière ou à côté de son sujet, mais aussi au-dessus ou au-dessous. Quelle l'importance cela a-t-il ?
Commençons par la dimension verticale, qui est nouvelle par rapport à la photographie sur la terre ferme. Le plongeur se déplace dans l'eau, généralement le long d'un mur (le positionnement du photographe est facile) ou au-dessus d'un récif (le positionnement est plus difficile).
Le long d'un mur, il est très facile de se placer au niveau du sujet que l'on veut photographier. S'il s'agit de vie fixée, c'est évident puisqu'il faut être à son niveau pour la voir. Dans le cas où le sujet se déplace il faut essayer de se placer à son niveau, voire un petit peu en dessous, ainsi :
Attention, se placer par rapport à son sujet n'autorise pas à négliger la sécurité, ses prégoratives, son profil de plongée, les consignes du briefing, etc... Il vaut mieux prendre sa photo dans la position du plongeur rouge du haut que de se mettre en danger, soi même ou son binôme.
Sur un récif, le placement est souvent plus difficile : le plongeur survole généralement le récif, et la vie est concentrée en dessous de lui. Pour prendre des photos, il faut descendre et tenter de se mettre au niveau des sujets tout en évitant d'endommager le récif :
La difficulté est de se stabiliser au niveau du sujet sans endommager le récif en s'y cramponnant et sans lui donner de coups de palmes. Et attention à tout ce qui pique, mord ou gratte lorsque l'on frôle le récif...
Reste maintenant à savoir comment on se place autour de son sujet. Eh bien, comme pour faire un portrait ! De face, de trois-quarts, de profil, chaque angle a ses adeptes, ses avantages et ses inconvénients. La seule recommandation que je vous fais est : "Ne prenez pas la photo d'un animal qui s'enfuit".
Avant de vous laisser exprimer votre créativité, je vous propose ci-dessous quelques illustrations, les dernières étant des contre-exemples de photos que je vous ai dit de ne pas prendre, que j'ai prises quand même, et que je trouve intéressantes.
J'ai compris ! Si je suis dessus, loin dessous ou derrière, je ne prends pas la photo ! Mais si je suis devant ou
à côté, je peux y aller sans hésiter, ce sera bon !
Oui, c'est généralement vrai mais, encore une fois, il y a des exceptions ! Quelquefois, une scène insolite se présente et l'on ne dispose
que de quelques secondes pour l'enregistrer. Pas le temps de se placer, pas le temps de réfléchir, on prend la photo à la volée, et
parfois le résultat est intéressant. Regarde les exemples ci-dessous, j'ai fait comme je te dis de ne pas faire, et pourtant...
J'ai pris cette photo à Saint Raphaël : j'ai aperçu de loin un poisson (un crénilabre) qui présentait une étrange protubérance sur la queue. J'ai réussi à prendre cette photo de dessus avant qu'il ne disparaisse. En regardant la photo après la plongée, j'ai vu qu'il s'agissait d'un anilocre, un crustacé parasite qui se fixe sur les poissons pour leur sucer le sang. Je n'en ai jamais revu. | Cette photo prise à El Gouna remonte à mes débuts de photographe. Cette rascasse (inimicus filamentosus) a soudain déployé des "ailes" à la couleur surprenante, comparée à la grisaille de son corps. Impossible de prendre cette photo autrement que de dessus si l'on veut montrer ce contraste. J'ai revu des rascasses marcheuses, mais rarement leurs nageoires. | En mer Rouge encore, mon binôme me tape sur le bras et me montre la surface. Surprise, cette tortue est juste au-dessus de ma tête, et elle reste un bon moment au-dessus de moi. J'en profite pour prendre cette photo de dessous. Le résultat est plutôt bon : l'animal se détache sur la surface assez proche, le flash permet de fixer les détails de sa face ventrale. | Dans les Caraïbes, à Turks and Caïcos, j'ai assisté à cette scène étonnante : un poulpe qui nageait en pleine eau a croisé un mérou de Nassau et a instantanément pris une livrée rayée similaire à celle du poisson. Dix secondes plus tard, c'était fini. Je suis très fier de cette photo qui a servi de support au jeu Doris il y a quelques années et a été publiée dans Subaqua quelques mois plus tard. |
Nous savons choisir notre sujet, nous placer par rapport à lui, le cadrer de la meilleure façon possible, mais le choix d'un fond qui mettra en valeur le sujet peut faire la différence entre un cliché banal et une belle photo. Le choix du fond le mieux adapté dépend bien entendu du sujet, et la question ne se pose généralement pas pour les sujets statiques ou fixés : on doit les prendre là où ils se trouvent.
Cela ne s'applique pas non plus aux photos d'ambiance, où le sujet est le récif lui-même, avec la nuée de petits poissons qui l'entourent.
Pour les autres (les organismes nageurs en général), on choisira de préférence un fond sur lequel le sujet se détache. Pour un sujet unique, les meilleurs résultats sont obtenus avec :
Les fonds rocheux ou coralliens généralement multicolores, sont mal adaptés à la photographie de sujets nageurs, surtout s'ils en sont très proches. S'il est impossible de se placer entre le sujet photographié et "le bleu", il faudra, si possible :
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